Réquisitoire contre François Romério

 

 

27 janvier 1983

 

 

 

Françaises, Français,

Belges, Belges,

Mon président mon chien, salaud que tu es,

Monsieur l'avocat le plus bas d'Inter,

Mesdames et messieurs les jurés,

Public chéri, mon amour.

Bonjour mon auto, salut ma défense, et mon .courroux... coucou.

 

Aujourd'hui, mesdames et messieurs les jurés, en hommage à sainte Thérèse du piège à cons, sainte patronne de l'autodéfense, dont nous fêtons aujourd'hui le tricentenaire de la béatification, je ne parlerai pas de cul. Convaincue d'hérésie parce qu'elle avait auto défendu ses fesses en refusant de coucher avec l'évêque de Meaux à l'issue du salon de la Moutarde en 1636, sainte Thérèse, je le rappelle à l'intention des athées bornés et autres Portugais transis d'inculture qui pourraient éventuellement stagner dans ce prétoire, mourut brûlée vive en hurlant de rire, d'où l'expression : « C'est sainte Thérèse qui rit quand on la braise.»

Donc je ne vous parlerai point de cul. Je vous parlerai de merde. Plus précisément de la merde de chien d'imbécile qui m'englue l'escarpin à l'heure où je vous parle, et sur laquelle j'ai longuement, totalement, goulûment glissé il y a un instant, avant de venir l'essuyer aux marches du palais. Mesdames et messieurs les jurés, vous avez devant vous un homme calme et pondéré, élevé dans la religion chrétienne, l'amour des pauvres et le respect des imbéciles, un partisan farouche de la non-violence, un adversaire résolu de l'autodéfense, aussi bien de l'autodéfense organisée, groupusculaire, comme celle que prône l'accusé d'aujourd'hui, que de l'autodéfense organisée officielle de l'État, bien connue sous le nom de police-vos- papiers-halte-là-panpan-la-matraque. J'ajouterai que je suis enfin un adversaire convaincu d'une autre forme d'autodéfense, celle des petits voyous pourris qui se bardent de quincaillerie mortelle et de couteaux à cran d'arrêt, par crainte des coups de béquille, avant d'aller attaquer les petits vieux finissants ou les petits commerçants usés, qu'ils viennent assommer pour leur piquer lâchement les trois sous que ces vieilles gens ont mis de côté, au prix de toute une vie à cheval entre la silicose et l'arthrite du genou.

Ainsi, je suis un non-violent, mesdames et messieurs les jurés. Pourtant. Pourtant il est une sorte de salopards pour lesquels je suis prêt à prendre les armes, j'ai nommé la race des lamentables semeurs de merde canine qui engluent nos rues de la fiente nauséeuse de leurs bâtards obtus, abrutis de Canigou trop gras, crétinisés à mort par l'univers carcéral des grandes cités où ils se cognent en vain le museau entre quatre murs de F3, au lieu de courir chier dans les champs comme vous et moi.

A-t-on jamais vu stupidité plus totalement consternante que celle qui brouille le regard de lavabo douteux du gros mou de petit-bourgeois, bouffi d'inexpugnable sottise, qui contemple avec une expression de vache heureuse son cabot transi, occupé à déposer ses immondices en plein milieu du trottoir, les pattes écartées, grotesque, la queue pathétique et frémissante, et l'œil humide de cette inconsolable tristesse, qui semble nous dire :

« Excuse-moi, passant, dit le chien, je fais où cet imbécile me dit de faire. Je ne le fais pas exprès. Si ça ne tenait qu'à moi, le chien, j'irais chier plus loin mais lui, cet homo sapiens que tu vois là, avec ses charentaises, sa tronche obtuse et cette putain de laisse qui assoit sa domination sur l'esclave qu'il a voulu que je fusse, ce con s'en fout, que tu glisses sur mes étrons ! S'il m'a pris, moi, le chien, ce n'est pas parce qu'il aime les bêtes, c'est pour son petit plaisir à lui. Il était ému par la grosse bouboule de poils dans la vitrine, mais ça ne l'empêchera pas de m'abandonner au mois d'août ! Il faut le comprendre : sa femme l'emmerde, son chef de bureau l'humilie. Il est minable. Alors moi, le chien, je suis le défouloir de son adrénaline, le contrepoids de sa médiocrité, et sa force de dissuasion anti-loubards. Pour le reste, il me brime, mais je lui tiens chaud aux pieds. Il me méprise comme il te méprise, toi le passant. Pardon, passant, dit encore le chien, je te vois pointer à l'horizon du carrefour. Dans un instant, quand ce crétin m'aura remonté dans son deux pièces pour m'enfermer sans espoir dans cette prison sans air et sans joie, toi le passant, tu vas t'offrir 30" de hockey sur merde, avec double axel sur le bitume et révérence dans le caniveau. » Pour avoir eu des chiens, mesdames et messieurs, je puis témoigner, et des milliers d'autres citadins aussi, Dieu merci, qu'il faut moins d'une semaine pour convaincre le chien le plus borné, même un chihuahua giscardien, ou un cocker mitterrandiste, de faire ses besoins dans le caniveau et pas ailleurs. N'est-il point affligeant que la nature humaine soit aussi désespérément chiracophobe ?

Comment espérer en l'homme ? Peut-on attendre le moindre élan de solidarité fraternelle chez ce bipède égocentrique, gorgé de vinasse, boursouflé de lieux communs, rase-bitume et pousse-à-la-fiente ? Cette bête à deux pattes, engoncée dans son petit moi sordide au point de n'être pas même capable de respecter son chien, l'hygiène publique et les semelles en cuir véritable de mes escarpins de chez Carvil à neuf cents balles la paire ?

Je ne suis pas partisan du retour à la peine capitale, bien que le bavard en chef usurpateur du trône de Peyrefitte en eût imposé l'abolition contre l'avis de l'opinion publique, dont l'un des plus somptueux spécimens est aujourd'hui parmi nous, armé jusqu'aux dents et fermement assis sur sa majorité silencieuse, si j'ose dire. En revanche je serais assez partisan d'une application de la peine de merde par l'inauguration du fusil-à-crotte en pleine tronche, réservé aux demeurés crottogènes spécialistes en défécations canines sur trottoir. Ah, je défaille de plaisir en imaginant le père Ducon ficelé au peloton d'exécution de ma légitime défense, face à six de ses victimes aux pieds souillés, tous les six armés de grosses pétoires gorgées de merde grasse... Feu ! Piaf ! Mon Dieu, quel bonheur ! Ça, pépère, c'est de l'autodéfense !

Aragon disait : « Plus je connais les hommes, moins j'aime ma femme. » Et moi plus je connais Dupont, plus j'aime Mirza... Y a-t-il un animal plus con que l'homme ? Oui. Peut-être. Il existe peut-être une catégorie d'animaux aussi cons que les hommes, et en l'occurrence je suis tout à fait d'accord avec Chaval sur ce point : les oiseaux sont des cons...

Je connais personnellement un perroquet parleur qui a repoussé les limites de l'imbécillité volaillère jusqu'à l'infini. N'était la chaleureuse amitié qui me lie aux humains que cet emplumé a apprivoisés, j'aurais depuis longtemps pris un plaisir exquis à lui défoncer la gueule à coups de clef anglaise de type Romério ou à lui écarteler le trou du cul à l'aide d'un tisonnier chauffé à blanc. Ah, la sale bête ! Que n'existe-t-il, monsieur Alfa Roméo, une association d'autodéfense contre les oiseaux qui chantent faux ! Celui dont je vous parle, que ses maîtres, dans un de ces traits de génie inventifs qui témoignent de la suprématie de l'homme sur cette terre, avaient eu l'idée inouïe d'appeler « Coco », il faut le faire, cette nullité multicolore à l'œil aussi creux qu'un estomac de bébé ougandais un soir de réveillon, cette insulte vivante à l'ornithologie de salon, avait une particularité totalement insupportable. Branché sur son perchoir au-dessus des invités de la maison, avec des grâces altières d'empereur trichromosomique surplombant les arènes à chrétiens, un insupportable mépris fatigué dans la mimique dégoûtée de son bec hargneux, il lui arrivait de se réveiller soudain, à peu près toutes les vingt secondes, pour siffler à tue-tête les cinq premières notes de la marche du colonel Boguey. Ça et rien d'autre. C'est atroce. D'ailleurs je vais vous le faire. Vous connaissez, c'était la musique du Pont de la rivière Kwaï et je demanderai aux personnes sensibles de sortir car c'est insupportable :

(Siffler 8 notes.) Et lui l'animal, il faisait (ne siffler que 5 notes). Comme le disait Himmler : « Il vaut mieux entendre ça que d'être juif... »

Donc monsieur Romério est coupable, mais son avocat vous en convaincra mieux que moi.

 

François Romério: Fervent partisan de la peine de mort pour toutes sortes de motifs, le créateur de Légitime Défense n'avait pas prévu de sanction pénale pour les cons. Bien joué.

Requisitoires du tribunal des flagrants delires
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